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Conseils à la profession : La divulgation des préjudices

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Les documents d’accompagnement Conseils à la profession visent à fournir aux médecins des renseignements supplémentaires et des conseils généraux afin de les aider à comprendre et à mettre en œuvre les attentes définies dans les politiques. Ils peuvent également déterminer quelques meilleures pratiques supplémentaires concernant des questions précises sur la pratique.

Malgré les meilleurs efforts des professionnels de la santé, la prestation de soins médicaux peut parfois avoir des résultats inattendus et exposer un patient à un préjudice réel ou potentiel. Les préjudices ne sont pas toujours évitables, et ils ne sont pas nécessairement un indicateur de soins de qualité inférieure, mais leurs conséquences peuvent avoir un effet durable sur les patients et leurs familles.

Les médecins peuvent également être très affectés quand leurs patients subissent des résultats négatifs en matière de soins de santé. Les médecins se sentent parfois en mauvaise position pour divulguer les préjudices subis et en discuter avec les patients et les familles, et ils peuvent également avoir du mal à trouver le soutien dont ils ont besoin pour mener ces conversations de façon efficace1.

Le présent document est destiné à aider les médecins à interpréter leurs obligations relatives à la divulgation telles qu’elles sont énoncées dans la politique sur La divulgation des préjudices et à fournir des conseils concernant la manière dont ils peuvent s’acquitter de ces obligations.

Pourquoi divulguer? Impératifs juridiques et éthiques

Les médecins ont l’obligation juridique de divulguer les erreurs commises dans le cadre d’un traitement médical. Les tribunaux ont également estimé que lorsqu’une erreur médicale n’est pas entièrement divulguée, cette non-divulgation peut annuler la capacité du patient à donner un consentement valable pour un traitement ultérieur2.

Les attentes professionnelles définies dans la politique s’appuient sur ces obligations légales. Ces attentes reflètent le principe sous-jacent selon lequel la divulgation complète contribue à favoriser l’ouverture, la transparence et la bonne communication dans la prestation des traitements médicaux. Ces éléments font partie intégrante de la promotion de l’autonomie du patient et du maintien de la confiance, tant dans la relation médecin-patient qu’à l’égard de la profession médicale en général.

Les médecins et autres praticiens des soins de santé peuvent penser que la divulgation pourrait diminuer la confiance envers la profession et augmenter le risque de poursuites judiciaires. Cependant, les recherches suggèrent qu’une discussion franche et ouverte sur la divulgation, y compris en présentant des excuses, le cas échéant, peut avoir un impact positif sur la confiance des patients et réduire le risque de poursuites3.

Enfin, d’un point de vue pratique, la divulgation peut aider les médecins et les établissements de soins de santé à prévenir de futurs incidents, améliorant ainsi la qualité globale des soins et les résultats en matière de sécurité pour les patients. La divulgation permet également au patient d’avoir accès aux interventions appropriées et opportunes qui peuvent être nécessaires à la suite d’un résultat inattendu en matière de soins de santé, et de prendre des décisions éclairées à ce sujet.

Quels incidents doivent être divulgués?

Lorsqu’on se demande quels types d’incidents doivent être divulgués, il faut se rappeler que le but de la divulgation n’est pas d’attribuer un blâme. La divulgation vise plutôt à fournir aux patients une compréhension complète de tous les aspects de leurs soins de santé, ainsi que les renseignements dont ils ont besoin pour prendre des décisions médicales autonomes et éclairées.

Les préjudices subis par les patients peuvent survenir de plusieurs manières, notamment comme suit :

  • l’évolution naturelle de l’état médical du patient;
  • un risque reconnu inhérent à l’enquête ou au traitement;
  • des événements ou des circonstances, tels que des défaillances individuelles ou systémiques, qui ont entraîné un préjudice inutile pour le patient (également appelés « incidents liés à la sécurité des patients »).

La cause du préjudice est souvent complexe et peut résulter de deux ou plusieurs des facteurs contributifs susmentionnés. Toutefois, les attentes en matière de politique et le présent document de conseils visent principalement à aider les médecins à gérer les discussions sur la divulgation dans les situations où quelque chose a mal tourné dans les soins prodigués à un patient, plutôt que dans les situations où l’état du patient s’aggrave en raison d’une maladie évolutive.

  1. Incidents préjudiciables

Un « incident préjudiciable » est un incident qui a entraîné un préjudice pour le patient. Les patients s’attendent à être informés de tout préjudice qu’ils ont subi, et ils ont le droit de l’être. Les médecins doivent divulguer tous les incidents qui ont entraîné un préjudice pour le patient, quelle qu’en soit la cause. Ce sont des situations qu’on appelle parfois des « événements indésirables ». Par exemple :

  • La mauvaise unité de sang a été perfusée et le patient est décédé d’une réaction hémolytique.
  • Un patient ayant une allergie connue à la pénicilline se voit administrer de la pénicilline et fait une réaction allergique.
  • Un patient atteint d’un cancer s’est vu administrer par inadvertance une trop grande quantité de médicaments opioïdes et a besoin d’un antagoniste des opioïdes et d’une assistance respiratoire temporaire.
  1. Incidents sans préjudice

Un « incident sans préjudice » est une situation dans laquelle un incident potentiellement préjudiciable a atteint le patient, même si ce dernier n’a pas subi d’effets préjudiciables immédiats, discernables ou apparents sur le plan clinique. Par exemple :  

  • Un patient se voit administrer par erreur le mauvais vaccin.
  • On n’a pas tenu compte d’un résultat pertinent figurant dans un rapport de laboratoire, même s’il n’y a eu aucun effet cliniquement apparent sur la santé du patient au moment où l’erreur a été découverte.

Pour déterminer si un incident est sans préjudice, il est utile de rappeler et d’appliquer la définition du « préjudice » qui est énoncée dans la politique. Autrement dit :

  • L’incident a-t-il le potentiel d’affecter négativement la santé ou la qualité de vie du patient?
  • L’incident a-t-il touché le patient?

Si la réponse à ces deux questions est positive, l’incident est un incident sans préjudice et doit être divulgué.

Les incidents sans préjudice doivent être divulgués aux patients en raison de la possibilité qu’un préjudice se manifeste à l’avenir4. Lorsqu’un incident potentiellement préjudiciable a atteint un patient, il faut avoir la certitude qu’un préjudice a été causé, et cette certitude ne peut être obtenue qu’en discutant de l’incident avec le patient. Le fait qu’on a pris acte de l’incident permettra également au patient, à sa famille et à l’équipe soignante de suivre l’évolution de la situation et d’intervenir éventuellement pour prévenir tout préjudice futur.

En outre, la divulgation peut être nécessaire au processus de consentement éclairé afin de garantir que le patient puisse prendre des décisions en toute connaissance de cause concernant un éventuel traitement ultérieur.

  1. Incidents évités de justesse

Un « incident évité de justesse » est un incident potentiellement dangereux qui n’a pas atteint le patient grâce à une intervention rapide ou à la chance. Une autre façon est de dire qu’on l’a « échappé belle ». Par exemple :

  • On a délivré la mauvaise unité de sang à un patient, mais l’erreur a été détectée avant le début de la perfusion.
  • On a commis une erreur concernant un médicament (p. ex., l’ordonnance ne correspond pas au sommaire d’hospitalisation, ou un patient portant un nom similaire a failli recevoir le médicament de quelqu’un d’autre), mais le pharmacien s’en est rendu compte avant la remise du médicament au patient.
  • On a préparé le mauvais site en vue de la chirurgie, mais l’erreur est découverte quand on remplit la liste de contrôle préopératoire.

Dans chaque cas d’incident évité de justesse comme ceux décrits ci-dessus, les médecins doivent déterminer s’il est nécessaire d’en parler au patient en exerçant leur jugement professionnel dans le contexte clinique particulier et en tenant compte des facteurs énoncés dans la politique.

Harmonisation avec le mécanisme des « incidents critiques »

Les médecins qui travaillent dans les hôpitaux devraient connaître le règlement pris en application de la Loi sur les hôpitaux publics5, qui exige la divulgation des « incidents critiques ». Dans le règlement, un incident critique est défini comme tout événement involontaire qui se produit à l’hôpital et qui :

  • entraîne le décès du malade ou une invalidité, une blessure ou un préjudice grave chez celui-ci;
  • ne découle pas principalement de l’état de santé sous-jacent du patient ou d’un risque connu inhérent à l’administration du traitement.

La portée des incidents qui relèvent de la politique sur la divulgation des préjudices est donc plus large que celle des incidents inclus dans la définition d’un incident critique, qui ne s’applique qu’à un sous-ensemble d’« incidents préjudiciables ».

Les médecins qui participent à l’examen des incidents critiques en vertu de la Loi de 2016 sur la protection des renseignements sur la qualité des soins (« LPRQS »)6 peuvent se poser des questions sur la manière dont le processus énoncé dans la LPRQS pourrait affecter leurs obligations de divulgation. On peut demander des conseils supplémentaires sur ces questions à l’Association des hôpitaux de l’Ontario.

La divulgation en tant qu’obligation permanente

La divulgation est une obligation permanente, ce qui signifie que les médecins doivent divulguer les renseignements pertinents dès qu’ils sont disponibles. Une divulgation complète peut donc nécessiter une série de discussions, en fonction de la nature et de la complexité de l’incident, et en tenant compte du temps qu’il faut pour que le préjudice apparaisse après l’incident.

La nature des renseignements divulgués dépend du temps écoulé depuis l’incident, du stade de l’enquête et de l’état du patient. Par exemple, à un stade précoce, les médecins peuvent choisir de se concentrer sur les circonstances qui ont provoqué l’incident et sur les conséquences immédiates pour le plan de traitement du patient, en s’engageant à assurer un suivi dès qu’une enquête plus approfondie aura été menée ou que d’autres faits auront été découverts. À tous les stades, il est important que les médecins ne communiquent que ce qui est connu et évitent de formuler des hypothèses.

Les médecins subséquents sont également assujettis à des obligations de divulgation. Si vous craignez qu’un incident nécessitant une divulgation n’ait pas été divulgué, vous devez en discuter avec le médecin précédent. Une discussion constructive et respectueuse peut aider à expliciter les faits et circonstances particuliers de l’incident, l’évolution du cas et les obligations du médecin précédent en matière de divulgation. Si vous continuez à être préoccupé par les soins cliniques ou les résultats, envisagez de collaborer avec tact avec le médecin précédent afin de créer un plan de divulgation. Il vous sera utile de documenter vos conversations avec l’autre médecin. En définitive, vous pouvez être responsable de la divulgation dans la mesure où vous avez une connaissance suffisante de l’incident pour le faire.

Le rôle des excuses

Des excuses complètes et sincères peuvent contribuer à la réussite de la discussion sur la divulgation7. De telles excuses peuvent être grandement appréciées par les patients et leur famille, et peuvent contribuer à promouvoir la confiance et à réduire le risque de litige8. Les patients affirment également que la manière dont les excuses sont présentées peut être extrêmement importante; les excuses les plus efficaces font preuve de sincérité, d’empathie et d’un réel souci du bien-être du patient9. Les excuses doivent donc être adaptées à chaque situation individuelle, et il faut éviter les formules toutes faites.

Les médecins hésitent parfois à s’excuser auprès de leurs patients par crainte des conséquences juridiques. Il est important de noter que la présentation d’excuses n’équivaut pas à une reconnaissance de la responsabilité légale, et qu’elle n’absout pas non plus les médecins du préjudice subi et ne les protège pas d’un constat de responsabilité à l’avenir.

Les médecins ont déterminé un certain nombre d’obstacles supplémentaires à la présentation d’excuses, notamment un manque de formation et de confiance en soi pour mener efficacement la discussion sur la divulgation. Il est courant, dans le contexte d’une conversation de divulgation difficile, de se sentir incertain de ce qu’il faut dire aux patients et à leur famille, et la confiance nécessaire pour mener efficacement ces conversations s’obtient souvent par la pratique et la formation. Vous souhaiterez peut-être consulter d’autres ressources et documents éducatifs concernant la présentation d’excuses (et la divulgation en général), notamment les documents Lignes directrices nationales relatives à la divulgation : Parler ouvertement aux patients et aux proches de l’Institut canadien pour la sécurité des patients et Divulgation d’un préjudice résultant de la prestation des soins : Pour une communication ouverte et honnête avec les patients de l’Association canadienne de protection médicale.

Autres conseils

Les conseils et orientations suivants peuvent être utiles pour réfléchir à la divulgation et à la présentation d’excuses :

  • Essayez de rassurer le patient ou le mandataire spécial en lui disant que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour répondre à ses préoccupations.
  • Décrire un plan d’intervention rapide et complet pour atténuer le préjudice.
  • Lorsque plusieurs médecins travaillent dans un établissement hospitalier, il convient de noter que la responsabilité finale de la divulgation incombe généralement au médecin le plus responsable, c’est-à-dire le médecin qui a la principale responsabilité de la gestion des soins médicaux d’un patient à un moment donné.
  • Il faut se demander s’il serait approprié de transférer le patient aux soins d’un autre médecin et d’informer le patient de tout changement dans son équipe soignante.
  • Tenir compte de l’identité culturelle et ethnique du patient, ainsi que de la langue de son choix, et permettre l’accès à la famille ou à un interprète lorsque cela est possible.
  • Faire preuve de sincérité par le ton de la voix, le langage corporel, les gestes et l’expression du visage.
  • Envisager de contacter l’ACPM ou le service consultatif des médecins de l’Ordre pour obtenir des conseils avant de procéder à la divulgation.

Notes de fin

1. Institut canadien pour la sécurité des patients, Lignes directrices nationales relatives à la divulgation : Parler ouvertement aux patients et aux proches (2011) p. 16.

2. Gerula v. Flores, 1995 CanLII 1096 (ONCA). Les médecins qui travaillent dans des hôpitaux ou d’autres établissements de soins de santé peuvent être soumis à des exigences de divulgation supplémentaires établies par leur établissement en particulier, ainsi qu’aux exigences du Règlement 965, pris en application de la Loi sur les hôpitaux publics concernant la divulgation des « incidents critiques ».

3. Gerald B. Robertson et Juge Ellen I. Picard, Legal Liability of Doctors and Hospitals in Canada, 5e éd. (2017), p.  263; American Academic of Pediatrics, « Policy Statement: Disclosure of Adverse Events in Pediatrics » (décembre 2016) Pediatrics, 138:6.

4. Divulgation d’un préjudice résultant de la prestation des soins : Pour une communication ouverte et honnête avec les patients, Association canadienne de protection médicale (2015).

5. R.R.O. 1990, Règl. 965.

6. L.O. 2016, chap. 6, annexe 2

7. McLennan et coll., « Apologies in medicine: Legal protection is not enough » (2015) CMAJ, 187(5), p. E157; Wolk et coll., « Institutional disclosure: Promise and problems » (2014) Journal of Healthcare Risk Management, 33:3, p. 30.

8. Levinson et coll., « Disclosure of Medical Error » (2016) JAMA, 316:7, p. 765; American Academic of Pediatrics.

9. McLennan et coll., p. E157; Wolk et coll., p. 30.